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11/03/2006

Ambroise Paré.

J’ai attaqué la biographie de ce médecin (1510-1590), que l’on pourrait qualifier « d’urgentiste » avant l’heure.

 

Issu d’un milieu modeste (son père est coffretier dans la région de Laval), son intelligence et son habilité le conduisent à devenir maître barbier-chirurgien à Paris (Hôtel Dieu).

 

Il se distingue surtout par sa méthode scientifique, à une époque très marquée par le dogmatisme. Ainsi, il essaye plusieurs onguents sur différentes partie d’une blessure, afin de sélectionner le meilleur. Dans le même esprit, il multiplie son expérience en suivant les armées, afin d’apprendre à soigner les blessures d’armes nouvelles, que sont l’arquebuse et l’artillerie.

 

Au cours du siège de Boulogne, en 1545, François de Lorraine, Duc de Guise est grièvement blessé par un coup le lance. Le fer a pénétré sous l’œil droit, fracturé l’orbite non loin du nez, et est ressorti derrière le pavillon de l’oreille droite. La pointe n’est pas extirpable pas voie antérieure, et Ambroise Paré craint qu’elle ne soit pourvue de barbillons.

Il incise l’orifice de sortie pour augmenter sa taille, demande poliment au Duc si il peut lui mettre le pied en appui sur son auguste tête, et se met à tirer comme une brute.

Il extrait la pointe, et panse son patient.

Celui-ci va s’en tirer, en héritant d’un surnom : « le balafré ».

 

Ambroise Paré avait l'habitude de commenter ce genre de guérison miraculeuse par un sobre «Je le pansay, Dieu le guarist » (je le pansai et Dieu le guérit).

08/03/2006

Consultation hospitalière.

Les mercredis de l’angoisse, ou comment ma consultation ressemble parfois à la cour des miracles.

- un peintre anglais quasi SDF, carburant à la bière (j'ai déjà parlé de lui, je crois...). Pour passer inaperçu en France, il se déguise en français : « marcel » jaune, veste sombre, petit foulard rouge noué autour du cou, et béret basque (genre Dupont et Dupond dans le "Lotus bleu"). Je me demande comment il a réussi à survivre dans la rue, jusque là.

  

- un jeune homme de 26 ans porteur d’une cardiopathie congénitale, et au contact assez particulier. Mon diagnostic psychiatrique de cardiologue a été « autisme » (au secours Mélie et Shayalone !!). J’ai appelé une copine neuro, et l’ai adressé dans un centre médico psychologique. On verra bien la réponse. En me tendant un carnet de santé en voie de désintégration, il m'a demandé de vérifier que ses parents étaient bien les siens. Il m’a quitté en remarquant que je ressemblai à un marin-pompier (ce qui n’est pas faux avec mon pull bleu marine et ma chemise bleue ciel), et que la secrétaire du patron ne servait à rien (pas faux non plus…).

  

- Un « membre du personnel », c'est-à-dire encore plus « VIP » que le président de Région, bien que manœuvre simplex de profession et de credo. Longue histoire de troubles du rythme assez bénins, mais qui l’angoissent lui et sa femme (pas manœuvre, mais simplex, elle aussi).

Je ne sais plus trop quoi faire avec lui, je l’ai envoyé à l’assistant d’électrophysiologie.

Tant pis pour lui ! (pour l'assistant).

    

- La semaine dernière, une dame, la quarantaine, qui ne voulait pas porter de holter ECG dans le métro, « au cas ou… ».

« Au cas ou quoi ? », demande l’infirmière, imaginant déjà une multitude de craintes infondées.

Au cas ou…vous savez, tout peut arriver, la semaine dernière, dans le métro, j’étais assise en face du héros de « Plus belle la vie »…

Et alors ?

Et bien, je lui ai souri, au cas ou il chercherait lui aussi…

D’accord….c’est vraiment « au cas ou »…

04/03/2006

Psychiatrie sommaire.

De garde la nuit dernière.

Le médecin que je relève me prévient : « La dame de la huit, 60 ans, est totalement folle, elle hurle tout le temps, bonne garde ! ».

En effet, des hurlements se font entendre largement au-delà des murs de la réa. Pendant que les IDE font leur relève, je lis de moins en moins placidement mon bouquin, le dernier roman de José Carlos Somoza, « La Dame N°13 ».

Excellent début de bouquin en vérité.

« PAPA !».

Une histoire de sorcières, utilisant comme arme la poésie.

« MAMAN ! ».

Une histoire prenante et envoutante, ou l’ont tourne chaque page comme on tire frénétiquement sur le fil d’une pelote de laine, pour la dérouler de plus en plus rapidement.

« PAPA !».

Je ne tiens plus, je vais dans la chambre avec François, l’IDE de nuit.

Comme on dit en réa, elle est « en vrac », nue sur son lit, pieds et mains attachées, ces dernières dangereusement proches des drains thoraciques.

« Prépare du Tiapridal ! ».

Alors que François s’exécute, je trouve les photos d’un bébé, posées à plat sur une armoire, à côté mais hors de la vue de la patiente.

« C’est à vous ? »

A ma grande surprise, elle répond : « C’est mon bébé, il est où ? »

« Il doit être tranquillement à la maison, je vais vous les accrocher à la vitre, pour que vous puissiez les voir, d’accord ? ».

« Merci beaucoup, il me manque tellement, c’est mon petit-fils… »

« Il est très beau, promettez-moi de ne plus crier, ça fait peur aux autres patients ».

« Promis, merci beaucoup, docteur… ».

Je fais signe à François de ne pas passer le Tiapridal, et je le présente à la dame.

« Voici François, votre infirmier de nuit, il est corse ».

« Moi aussi, mes parents sont de Corte ! ».

Et voilà qu’ils se mettent à parler du pays….

  

Un peu plus tard, nous nous retrouvons à l’office.

Grosse séance d’autocongratulation, pour avoir démasqué ce qui n’était qu’une ineffable angoisse.

« Tu as su lui parler », me dit François.

« Toi aussi, et on a de la chance, on tombe toujours sur des Corses ».

Par devers nous, nous éprouvions un grand et réconfortant sentiment de supériorité, lui envers les filles de jour, moi envers le médecin d’astreinte de réa, qui n'avaient rien su voir.

  

Quel silence apaisant…

Chapitre IV, "Les Dames"

   

« FRANCOIS ! ».

??

« FRANCOIS ! ».

Dans sa chambre, elle a repris sa danse de Saint-Guy.

« FRANCOIS ! ».

« Oui, qu’est-ce qu’il y a, Madâme ? » (avec un accent corse formidable).

« J’ai mal ! ».

« Les calmants passent ».

« FRANCOIS !»

« Oui ? »

« JE VEUX VOIR MA MERE ! ».

Je lui dis : « Ne criez pas, s’il vous plait, vous me l’avez promis, vous allez arracher vos drains, et pensez aux autres patients ! »

« JE M’EN FOUT ! ».

« JE M’EN FOUT ! ».

« FRANCOIS ! ».

« Allez, hop, NOZINAN rapide… »

Ce matin, j’ai croisé le pauvre François, défait d’avoir été appelé toute la nuit, même « moderato cantabile » après le Nozinan.

« Ne leur redonne plus jamais mon prénom » !